Un pour tous pourris! par Patrick Besson

Le Point.fr - Publié le 17/04/2012 à 06:52

Chaque jour, Patrick Besson emprunte la plume d'un célèbre écrivain pour nous raconter la campagne électorale.

"Les trois mousquetaires" vus par Alexandre Dumas. © AFP

 Quand Porthos entra dans l'auberge, il constata que le téléviseur était allumé. Il appela Aramis sur son portable.

L'autre décrocha.

Aramis répondait toujours au téléphone, Athos jamais.

- On ne me sonne pas, disait Athos.

D'Artagnan répondait de temps en temps.

- Quand ça me chante, disait-il.

- Ne chante pas, disait Athos.

Athos n'aimait pas la musique.

Aramis, si.

D'Artagnan, de temps en temps.

- Qu'y a-t-il ? demanda Aramis.

- Ça commence.

- Quoi ?

- Le résultat des élections.

- Tu me raconteras. Je suis avec une dame.

- Quelle dame ?

- Tu ne connais pas.

- Qu'est-ce que je dis aux autres ?

- Ce que tu veux.

Aramis coupa la communication.

Porthos appela Athos, qui ne répondit pas. La messagerie disait : "Ne laissez pas de message."

Il en laissa un, bien qu'il sût qu'Athos n'écoutait jamais ses messages.

Il eut ensuite d'Artagnan.

- Je suis à un duel, dit celui-ci. J'ai bientôt fini. Mais parle, tu ne me déranges pas. Ah bah, ça y est.

- Quoi ?

- Mon adversaire est mort.

- C'était qui ?

- Je ne sais pas. Ce n'est pas ce soir, le résultat des élections ?

- Si.

- J'arrive.

Quatre poulets rôtissaient dans la cheminée quand d'Artagnan fit son entrée dans l'auberge. Aussitôt, les servantes lui sourirent.

C'était le mousquetaire préféré des servantes.

Bientôt Aramis apparut lui aussi, décoiffé. C'était rare. Il alla se recoiffer aux cabinets.

À l'arrivée d'Athos, Porthos lui demanda :

- Tu as écouté mon message ?

- Non. Pourquoi ?

Les quatre amis entamèrent leurs poulets en l'arrosant d'un charmant vin rouge d'Anjou.

Les premiers résultats tombèrent.

- Un pour tous, tous pourris, plaisanta d'Artagnan.

Tous rirent.

Sauf Athos.